Timo Gross
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

 

Timo, avant de commencer cet entretien, peux-tu me présenter les musiciens qui t’accompagnent actuellement ?
Bien sûr !
Il y a Michael Siegwart la batterie et aux chœurs. Il joue avec moi depuis environ 20 ans.
La personne assise, juste en face de toi, est Uli Lehmann. Je le connais depuis une trentaine d’années…
C’est un bassiste qui vit actuellement à Munich mais qui est originaire de la même ville que moi. C’est là que nous nous sommes connus, et que nous avons commencé à jouer ensemble. Nous n’étions encore que des adolescents qui allaient à l'école…

 

Peux-tu m’en dire davantage sur tes origines ?
Je suis un chanteur et guitariste allemand qui vit, actuellement, dans un petit village (Bad Bergzabern) proche de la frontière française (la ville française la plus proche est Wissembourg) dans le Land de Rhénanie-Palatinat.
Auparavant j’ai vécu en Hollande et surtout à Heidelberg (durant une vingtaine d'années), où la scène musicale était plus vivace. J’ai déménagé pour des raisons familiales dans ce petit village, qui n’est pas l’endroit où il est le plus intéressant de vivre pour un bluesman (rires). Ceci dit, pour y mener une vie de famille, c’est parfait. Ma fille peut y grandir, dans un cadre idéal… c’est très joli !

Quand as-tu commencé à faire de la musique ?
Oh Jésus Christ !
J'ai commencé à jouer de la musique il y a 33 ans, j’avais 13 ans à l’époque.
J’ai immédiatement attrapé le virus du blues en voyant Eric Clapton à la télévision. Sur ces images il jouait au sein du groupe Cream. C’est de cette manière que j’ai découvert de vieux blues que je ne connaissais pas encore dans leurs versions originales. La chanson « Spoonful » (écrite par Willie Dixon) d’Howlin’ Wolf en est un bon exemple.
Je me suis alors passionné pour cette musique et me suis intéressé à sa face la plus « folk », en écoutant des artistes tels que Lightnin’ Hopkins. Je me suis plongé, corps et âme, dans le blues et en ai découvert l’histoire.
Tu sais, j’ai fait le choix de devenir un musicien professionnel et, de ce fait, je suis contraint de jouer de tous les styles de musiques. Cela va de la soul music au hip hop, en passant par le funk, le jazz et même le german schlague (apparenté à la Volksmusic, il s’agit d’un style très populaire outre Rhin, il l’est, fort heureusement, beaucoup moins en France, nda).
Il est très difficile de vivre du blues, en Allemagne, si tu n’es pas noir et que tu n’as pas 85 ans…

De quelle manière as-tu appris à jouer de la guitare ?
De nos jours tu peux vivre dans le plus petit village du monde est être au fait de tout ce qui se passe grâce à des outils tels qu’internet, Youtube etc…
Tu peux y trouver des tablatures, des enregistrements etc…
De cette manière, tu peux apprendre par toi-même en étant, toujours, « à la page ».
Quand j’étais adolescent, c'était complètement différent...
 Dans ma ville, nous étions trois jeunes du même âge à apprendre la guitare. Nous étions très ambitieux et nous nous refilions les « bons plans ». Ainsi, un jour, l’un d’eux est venu en disant « ça y est, je sais jouer « I’m going home » d’Alvin Lee ». Je ne savais, pas exactement, de quoi il s’agissait donc je me suis procuré l’album et j’ai commencé à jouer par-dessus (Timo se met alors à chantonner le morceau, nda).
Puis je me suis sérieusement lancé dans la musique alors que j’étais en Hollande, entre Amsterdam et Utrecht. J’y ai rencontré de nombreux musiciens et j’ai beaucoup appris à leurs côtés. Je devais avoir 23 ans, c’était juste avant que je retourne en Allemagne, à Heidelberg.

Peux-tu me parler, plus en détails, de la scène blues allemande ?
Il y a de grands talents qui se côtoient sur cette scène. Je pense cependant que, comparativement à la France, elle est bien moins vivace.
S’il y a beaucoup d’endroits où jouer en Allemagne il n’en est pas, pour autant, aisé de s’y produire quand on est un musicien du terroir. Comme je te le disais précédemment, il est mieux vu d’être américain quand on pratique cette musique.
Parmi les artistes qui mériteraient d’être davantage connus, je peux citer : Richie Arndt, Gregor Hilden (Timo se produit, parfois, en trio avec ces deux premiers dans un registre folk, nda), Henrik Freischlader et quelques autres…

As-tu l’occasion de côtoyer des artistes anglo-saxons qui vivent en Allemagne ?
Non, à titre personnel, je n’en connais pas vraiment. Je sais, cependant, qu’il y a de nombreux musiciens américains qui se sont installés en Allemagne, car ils y ont trouvé de meilleures conditions de travail qu’en Amérique.
Uli Lehmann : Il y a beaucoup d’anglais et d’américains à Munich, où je vis depuis 25 ans.
Je connais, par exemple, le guitariste britannique Nick Wooland qui a joué avec de grands noms (The Clash, Amon Düül II). Il avait même été pressenti pour remplacer Mick Taylor au sein des Rolling Stones et a accompagné de nombreux grands noms du blues lors de tournées allemandes de ces derniers. J’ai aussi eu l’occasion de jouer, pendant 5 ans, avec un très bon pianiste et chanteur originaire de Birmingham. Son nom est Steve « Big Man » Clayton, il excelle dans un registre barrelhouse.
Beaucoup d’américains ont fait leur service militaire en Allemagne, certains s’y sont installés par la suite. Il y est plus facile, pour eux, d’y gagner de l’argent dans le monde de la musique.

 

Justement, durant ta jeunesse, pouvais-tu encore écouter les radios américaines qui émettaient depuis les bases militaires situées en Allemagne ?
Quand je vivais à Heidelberg j’ai, en effet, été confronté à ces programmes qui couvraient une bonne partie de l’Europe. On y entendait du blues, du rock, de la country music…

Tu vis près de la frontière française. Connais-tu certains artistes de blues de ce pays ?
Je connais un peu la scène locale de Wissembourg, d’Haguenau et des environs. J’ai aussi eu, à plusieurs occasions, le plaisir de participer à des jams en compagnie de groupes issus de ce secteur géographique.

Est-ce facile, pour toi, de trouver des dates de concerts en dehors des frontières allemandes ?
Non ce n’est pas très facile car la scène blues devient de plus en plus réduite. A trois occasions, j’ai réalisé des tournées en Ecosse et en Angleterre. J’ai aussi joué en Suisse, Hollande, Autriche, au Luxembourg. Je ne me suis que rarement produit en France. Il y a, en partie, la barrière de la langue qui pose un problème ici. D’autant plus que les français parlent très peu l’anglais…
Ne parlant pas français j’ai, de ce fait, beaucoup de mal à communiquer. C’est certainement pour cela que je n’ai donné que très peu de concerts ici. Je sais, cependant, qu’il y a des gens qui suivent ma carrière et qui achètent régulièrement mes disques en France.

Penses-tu que le fait d’être un chanteur et guitariste allemand est un réel handicap dans le monde du blues actuellement ?
Oui, probablement…
Nous avons énormément de mal à nous imposer dans notre propre pays. Quelque soit la qualité de la musique, les artistes américains nous seront toujours préférés. C’est très frustrant, surtout que cette barrière n’existe pas partout. En Angleterre, par exemple, les gens ont beaucoup apprécié notre travail et nos personnalités. Ce serait bien que les gens s’ouvrent davantage de l’autre côté de la Manche !

Comment définirais-tu ta musique ?
C’est du blues imprégné par des influences très variées. J’aime écouter des artistes aussi différents  que Prince ou Joni Mitchell. Je peux parfois me laisser porter par la musique country…
J’essaye de mélanger tout cela en apportant ma propre touche qui est très contemporaine. Je ne vois pas l’intérêt, en ce qui me concerne, de sonner exactement que John Lee Hooker, Lightnin’ Hopkins, Little Walter ou Muddy Waters.
Si je veux entendre ce genre de sons, je me passe les disques originaux.
Je préfère que les gens qui écoutent mes disques se retrouvent face au propre univers de Timo Gross, pas face à celui de Muddy Waters.
J’essaye de trouver un style bien à moi, dont la base est toujours solidement ancrée dans le blues.

Quels sont les thèmes que tu aimes aborder dans tes chansons ?
Ce qui me passe par la tête (rires) !
Je suis très ouvert même si les thèmes classiques du blues (l’amour, les femmes, l’argent…) reviennent régulièrement. Je peux, aussi, m’inspirer de belles histoires que j’entends autour de moi. Il est important d’être à l’écoute…
Sur scène, nous ne jouons que quelques reprises que nous aimons. La plus grande partie de notre répertoire est constituée de nos propres titres. Après trois albums en studio et un live avec mon propre groupe (Tomi a aussi enregistré, en 2009, un Cd acoustique « The Vineyard Sessions » sous le nom du trio Hilden-Arndt-Gross et a produit un album pour Johnny Rieger, nda), enregistrés depuis 2005, nous pouvons nous le permettre...

Pour tu me présenter ton dernier Cd en date ?
C’est un disque live édité en mars 2010 en Allemagne. Il se nomme « Road Worn » …
Nous essayons de faire un maximum de tournées afin de le promouvoir. Par exemple demain (le 20 novembre 2010) nous nous produirons dans le cadre d’un Festival, à Saarbrücken, où Paul Lamb (& The Kingsnakes) sera aussi à l’affiche. Quelques nouvelles dates suivront en Allemagne. Dans 3 semaines je reprendrai la route avec mon projet acoustique. Ce sera un trio avec Richie Arndt et Alex Conti. Ce dernier est une institution du blues en Allemagne. Il est le premier musicien du genre, issu de notre pays, à avoir obtenu du succès aux Etats-Unis avec le groupe Lake. C’était dans la deuxième partie des années 1970 (le groupe y a même effectué des tournées en première partie de Neil Young ou de Lynyrd Skynyrd, nda).

Quels sont les musiciens que tu préfères dans la nouvelle génération de bluesmen ?
J’ai beaucoup de mal à te répondre..
J’écoute une chanson par ci, une chanson par là…
Ce ne sont pas forcément des choses qui ont à voir avec le blues…
Cependant, hier encore, j’écoutais un bon vieux disque de Lightnin’ Hopkins.
Il y a un jeune musicien allemand que j’aime bien et que j’écoute régulièrement. Son nom est Volker Striffler, il vit aux Etats-Unis. Il a son propre groupe et joue régulièrement avec le frère de Robben Ford (le batteur Patrick Ford, nda) au sein du Ford Blues Band.
J’aime les chansons qui racontent de bonnes histoires et je respecte beaucoup les grands songwriters du monde du blues.

T’est-il arrivé d’écrire des chansons en allemand ?
Oui mais j’estime que ce n’est pas une langue qui se prête très bien à cette musique. Il est très difficile de chanter du blues en allemand. Certaines personnes le font. Je trouve que les textes sont souvent à « l’eau de rose » et ce n’est pas du tout ma tasse de thé, ne serait-ce que pour cette raison.

A ce jour, quels sont les meilleurs souvenirs de ta carrière ?
Il y a quelques semaines nous avons fait la première partie des Doobie Brothers à l‘occasion de la venue du groupe en Allemagne. Nos musiques sont différentes et, pour la circonstance, nous avons fait un set acoustique. Nous sommes contents du résultat et le public a été très réceptif. C’est un point très positif. Sinon, j’ai tant de bons souvenirs, y compris en France…
Je garde en mémoire ma venue au Festival « Blues Au Château » (édition 2008) en Bretagne (La Chèze dans les Côtes d'Armor, nda). C’était une très belle expérience au même titre que mes tournées au Royaume Unis. Tout cela a été des aventures incroyables, il en résulte de belles histoires…

A ton avis, quelle la plus grande différence entre le public allemand et le public français ?
Je vis très près de la frontière française et j’ai beaucoup d’amis à Wissembourg…
Je ne vois pas vraiment de grandes différences entre les deux publics…
Je pense que les français écoutent plus de genres différents. Il y a des musiques qui n’existent pas en Allemagne, comme ce que vous appelez la musique festive. C’est quelque chose d’inexistant chez nous…
Pour nous, c’est impressionnant de voir les français autant s’enthousiasmer pour cela.

Est-ce que tu souhaites ajouter une conclusion ?
C’est bon d’être ici, à Ensisheim…
C’est notre premier concert dans cet endroit (le Caf' Conc', nda) et, en voyant les photos dans cette loge, je suis épaté de constater qu’autant de beau monde est passé par là.
Luther Allison et tant d’autres légendes que je connais et que j’apprécie y ont joué…
Il va falloir que nous fassions un très bon concert (rires) !
J’espère, bien sûr, que nous aurons l’occasion de revenir plus souvent en France !

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Interview réalisée
Caf’ Conc’
d’Ensisheim
le 19 novembre 2010

Propos recueillis
par David BAERST

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